Jour de Jude, an 861
La douleur accable mes jambes. J'ai peur de ne pouvoir te rendre visite comme je
l'escomptais. Combien certes que grand bien me ferait de te voir, ma tendre
Emelyne, ainsi que ta famille. D'autant qu'il me chaille de voir enfin mon
petit-fils Geoffroy. Malgré quelque trouble au Château, il y aura toujours pour
vous une couche ici. La charge d’intendant royal me cause pour l'heure moults
soucis, aussi votre venue me porterait confort.
Peut-être as-tu eu vent des fableries à propos du mal du Roy, c'est non savance.
Non pourtant une faiblesse passagère, il reste notre souverain bien aimé et ne
mérite pas notre méconfiance. Quelques Fot-en-cul n'ont pas fait demeurance pour
profiter de son état. Chèrement se vend bonne foi, à bon marché n'en a nulluy,
et pour ce, si je suis celuy qui m'en plains, j'ai raison pourquoi : le
gouverneur Philippe se conduit publiquement comme pitable leche-pieds et ourdit
secrètement complot et médisances. Par trois fois, il est venu jusqu'au Château
et s'est comporté tel un seigneur en sa demeure. Il faudrait que le Roy ordonne
tellement qu'il se tienne coi.
Mon grand âge égare mon esprit, peut-être que ce ne te chaille que bien poi.
N'est qui attend ta visite avec tant d'impatience que ton père, ce sera avant
les premières froidures, je l’espère
Ton père, Vincent.